Nous voilà dans le vif du sujet. EPR, entre autres, pensaient que la MQ est une théorie incomplète, que la nature est déterministe, et que l'aléatoire qu'on observe n'est du qu'à notre ignorance des phénomènes sous-jacents (cf. coquille 70 de Paul sur le chaos déterministe). Ils pensaient qu'il existe des « variables cachéees » qui, si on les connaissait, permettraient d'écrire des équations déterministes pour décrire la nature. Bell a montré que le seul fait de supposer cela, avec un minimum d'hypothèses de bon sens, conduit à faire des prévisions contraires à la mécanique quantique et vérifiables expérimentalement.
On se place dans la situation du paradoxe EPR. Il s'agit d'une expérience de pensée. On a un système qui émet des paires de particules dans l'état particulier discuté précédemment. On a disposé deux détecteurs de part et d'autre de l'émetteur et à égale distance de celui-ci. Cette fois-ci on peut mesurer trois grandeurs A, B ou C. Les résultats possibles sont (A+) et (A-) si on mesure A, (B+) et (B-) si on mesure B... Si on mesure la même grandeur pour les deux particules d'un même couple les résultats sont opposés. On aura par exemple (B+,B-) ou (C-,C+).
Comment les particules d'une même paire peuvent-elles donner simultanément le même résultat alors qu'elles n'ont pas eu le temps de communiquer? On ne va pas croire à la MQ et ses explications fumeuses, on va faire des variables cachées. Nous allons donc dire que les particules ont décidé de la réponse qu'elles vont donner AVANT d'avoir atteint le détecteur, par exemple au moment de se quitter. Si on fait une théorie totalement déterministe, cette date est même reportée à t=-infini. Comme on peut mesurer trois grandeurs sur ces particules, elles ont du décider des réponses à donner à chacune des trois mesures. Ainsi, les particules émises peuvent se classer en 8 classes : (A+B+C+), (A+B+C-), ... (A-B-C-). Les deux particules d'une même paire sont toujours dans des classes opposées. Voilà comment on explique de façon naturelle et intuitive le fait que deux particules d'une même paire donnent toujours des réponses opposées.
Malheureusement on ne peut pas déterminer dans laquelle de ces 8 classes se trouve une particule donnée. On sait que lorsqu'on fait une mesure sur une particule on modifie son état, c'est bien vérifié expérimentalement. Donc une deuxième mesure sur la même particule ne me renseigne en rien sur l'état de la particule avant la première mesure. Pourtant il y a une ruse qui nous permet d'avoir accès à DEUX des variables associées à un particule. Puisque les deux particules d'une paire sont dans des états opposés, si je mesure (A+) pour l'une, je sais que l'autre est (A-). Disons que je mesure A sur l'une et B sur l'autre. Si j'obtiens (A+)&(B+), je sais que mes particules étaient (A+B-)&(A-B+).
On constate que les résultats des différentes mesures sont aléatoires. Comme on croit au déterminisme on est porté à croire que l'origine de cet aléatoire est le chaos déterministe, mais ce n'est pas un hypothèse nécessaire. Livrons nous à un petit calcul de probabilités. Une particule (A+B+) doit être nécessairement soit (A+B+C+), soit (A+B+C-). Si on note P(état) la probabilité d'être dans un certain état, on peut écrire trivialement :
P(A+B+) = P(A+B+C+) + P(A+B+C-) | (1) |
Pour la même raison on a :
P(A+B+C+) <= P(A+C+) | (2) |
P(A+B+C-) <= P(B+C-) | (3) |
Si on reporte (2) et (3) dans (1) on obtient :
|
Ceci est ce que j'appellerai l'INÉGALITÉ DE BELL.
Il est remarquable comment on arrive à un tel résultat avec des arguments très simples et sans rien avoir supposé des lois qui régissent le comportement de nos variables cachées. L'article de Bell est en fait écrit dans un langage bien plus technique. Il aboutit à plusieurs inégalités qui portent sur des fonctions de corrélation.
Il se trouve que la MQ prévoit l'existence de situations qui violent cette inégalité. Elles sont délicates à produire mais Alain Aspect a réussi a montrer que dans de tels cas la nature se comporte conformément aux prédictions de la MQ, elle viole donc les inégalités de Bell et invalide toute théorie à variables cachées.
N'abusez pas de l'aspirine.
Edgar.
Edgar Bonet <webmaster@edg...>. |